[Le facteur Ferdinand Cheval à Hauterives]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPTP1060 06
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historique Buste du facteur Cheval, bronze. Nicole Algan, sculpteur ; 1984. Inauguration : 3 juillet 1984.
historique Dans le square devant le bureau de poste, trône le buste du Facteur Cheval. Allure martiale, nuque réglementaire, regard de fer : à croire que l'Idéal vous durcit un homme autant qu'un passage à la Légion... Plus loin, au bar-souvenirs La Galaure, grand choix de cartes postales, miels de pays, poteries artisanales et boissons fraiches... Mais rien n'égale, offerte au mauvais goût des touristes en goguette, la kyrielle des baromètres, porte clés et assiettes à l'effigie du Palais Idéal, dont l'entrée est à deux pas. Ils sont plus de cent mille, chaque année, à faire le détour d'Hauterives pour voir le rêve de pierre qu'un modeste employé des Postes édifia, obstinément de 1879 à 1912. Cet été, les visiteurs devront faire avec quelques échafaudages. Tout s'érode. Les châteaux en Espagne comme le chalet suisse, le temple hindou ou la mosquée du bon Facteur. Chacun connaît l'histoire de Ferdinand Cheval, natif de Charmes sur l'Herbasse en 1836, nommé facteur en 1867 à Anneyron, et muté, après un court séjour à Romans, dans la petite ville d'Hauterives, deux ans plus tard. D'une idée, née d'un songe, "quelque chose de joli, de pittoresque où se dessinait l'image d'un château, d'un palais", raconte-t-il dans son autobiographie en 1905, il va faire une réalité. Trente trois ans de travail avec sa fidèle brouette qu'il n'oubliera pas, une fois son oeuvre achevée. Un hymne à l'essentielle compagne figure en bonne place au fronton du Palais. Héraut du merveilleux jonglant avec les styles et les religions, le Facteur Cheval construit un chef d'oeuvre au sens artisanal du terme, qui tient tout à la fois de l'encyclopédie et du journal intime. Mais surtout, il s'élève à lui-même une sépulture digne du grand homme qu'il a conscience d'être. Beaucoup, en effet, voient dans ce monument inhabitable un sépulcre à l'image des pyramides. Cheval, dans ses écrits, ne se compare-t-il pas aux souverains égyptiens ? Un refus de l'administration met fin, toutefois, à ces rêves de grandeur posthume. Le cimetière, comme tout le monde. Ou presque. L'incorrigible Facteur s'offre un lot de consolation : une chapelle, très personnelle et très baroque. José Pierre écrit que les artistes naïfs sont tous des transplantés et la plupart du temps des retraités "Nés à la campagne ou dans de petites villes à proximité de champs ou de bois, ils sont néanmoins coupés économiquement et socialement de la vie rurale. Coupés en somme de leurs vraies racines". Dans le cas de Ferdinand Cheval, bâtisseur avant même sa retraite, cette coupure de fait - il est fonctionnaire et non paysan -, se double d'une seconde coupure, volontaire celle-ci, qui exprime semble-t-il la revanche d'un homme simple sur la culture savante qu'il réinterprète pour asseoir son image. Nier le temps et la mort à travers un acte triomphal qui le fait entrer dans l'éternité de la mémoire, c'est sans doute une des raisons d'être de son geste fondateur, lyrique et mythique. En ce sens, l'exposition-hommage, qui a trouvé place dans la salle des mariages de l'hôtel de Ville d'Hauterives, justifie ses aspirations. Le Facteur amoureux de postérité est bien vivant. En rangs serrés, de tous formats, une série de tableaux à la facture naïve, signée COCO, retrace avec plus ou moins d'interprétation la vie du Facteur, de ses alliés et de ses proches. Ferdinand Cheval à sa naissance, au sortir du chou et près de sa maman ravie. Ferdinand Cheval avec sa seconde femme et leur petite fille. Ils ne donnent pas l'impression de s'amuser tous les jours. Ferdinand Cheval jeune, moins jeune, déjà âgé... C'est un festival où il ne manque ni la première Madame Cheval, un peu revêche, ni André Lacroix, le directeur des archives de l'époque, ni André Malraux, grâce auquel le Palais est devenu Monument classé en 1969. Il y a même, ironique et nécessaire, l'image des touristes en shorts et casquettes venus faire leurs dévotions à Hauterives. Eux aussi font partie de la famille. Il y a aussi, décidément COCO a grand coeur, les portraits de son mari, son beau-frère, et celui d'Elia Kazan... Proposition surréalisante, bien dans la lignée du Facteur ? Pas vraiment. Les Rencontres de Cinéma de Valence promènent à Hauterives leurs hôtes privilégiés. C'est ainsi que le cinéaste américain a mis ses pas dans le sillage de la brouette légendaire. A l'instar du Facteur, COCO est autodidacte. Depuis trois ans, environ, elle peint. Des portraits, surtout, et des scènes de genre. Sa force, c'est la couleur. Et justement, quand elle découvre le Facteur, elle se rend compte qu'il n'existe sur lui qu'une documentation en noir et blanc. Qu'à cela ne tienne, elle, COCO, l'immortalisera en couleur. Après consultation des rares archives, elle se lance dans ces portraits de famille à la limite de l'imaginé, créant les bribes d'une généalogie affective et humoristique. Histoires de famille, disions-nous. Et combien. COCO a dit oui à monsieur le maire d'Hauterives, le 13 juin, jour du vernissage de son exposition, dans cette même salle des mariages sous l'oeil adouci de son premier témoin. Le Facteur Cheval, bien sûr. Source : "Signé Coco" / Nelly Colin in Lyon Figaro, 25 juin 1987, p.50.
note bibliographique Le Progrès de Lyon, 4 juillet 1984. - Le Dauphiné libéré, 19 juin 1987.

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